Une pratique de paix

« Si tu veux la paix, prépare la guerre. »

Ces quelques mots ont été mon tout premier sujet de philo, en terminale.

On conçoit souvent la paix comme quelque chose qui se reçoit, qui s’obtient, qui se donne sous conditions, qui se gagne, qui s’impose ... L’immense cadeau que nous font la méditation et la pensée Zen, surtout aujourd’hui, c’est l’affirmation - très concrète - que la paix est une PRATIQUE. Qu’elle se cultive, comme tout le reste.

“ Nous nous inquiétons de la situation du monde. Nous ne savons pas quand les prochaines bombes exploseront. Nous nous tenons sur le fil du temps, autant d’individus isolés, qui nous sentons impuissants, et désespérés. L’injustice est partout, le danger, si proche. Dans ce genre de situation, la panique empire tout. Nous avons besoin de savoir rester calmes, de garder l’esprit clair. Méditer, c’est rester conscient.e.s, pour tenter d’aider. Nous avons besoin de gens capables de s’asseoir et de vivre dans la paix. Souffrir ne suffit pas.” Thich Nhat Hanh

Notre culture épuisante de la réactivité et du rapport de force nous le montre bien : la grande majorité de nos réactions à chaud n’aident pas. Les conditions ne sont pas réunies pour un dialogue ouvert, tolérant, et confiant. La paix, si tant est qu’on la défende, ne peut pas advenir - car elle a besoin de notre écoute mutuelle, et de notre vulnérabilité.

En nous libérant de notre spirale de réactions en cascade, la méditation nous ouvre un espace de quiétude d’où nous pouvons parler et agir en conscience. De ce calme, autre chose peut éclore.

La paix est individuelle et collective, privée et culturelle. Dans un monde marqué par l’interdépendance, dans le tissu serré de nos relations, chaque geste, chaque mot a son écho: le karma de l’action juste est une pratique de chaque instant.

C’est avec les mêmes actions, répétées et quotidiennes, qu’on s’habitue à une culture de violence, qu’on renonce à tout espoir de vie bonne… Ou qu’on cultive la possibilité d’une société pacifiée et aimante, et la sensation salutaire que nous ne sommes pas seul.e.s.

Entendons nous bien: la méditation ne remplace pas l’action. Une pratique de paix ici ne l’installe pas là-bas. Méditer ne nous dispense pas d’aider au plus que nous le pouvons, bien au contraire: notre pratique pose les bases d’une action et d’une parole apaisées, et alignées avec nos valeurs les plus profondes et les plus généreuses. Elle soutient notre engagement, et notre puissance d’agir.

Chaque jour, j’y retrouve le juste milieu entre la tentation du retrait, de l’indifférence, et le cercle vicieux de la discrimination.

Au milieu de la “bataille des récits”, nous devons nous demander:

Ce mot, ce geste, sert-il la paix ?

D’où viennent nos actions et nos paroles ?

Viennent-elles de nos valeurs ? Ou de nos traumas, de nos identités ou de nos conditionnements ?

Méditer, c’est habiter l’espace vierge entre nos pensées, où nous apprenons à nous délester de nos narrations et de nos certitudes toutes-puissantes, ne serait-ce qu’un instant. C’est revenir à nos corps et à nos coeurs sensibles, à d’autres intelligences - à d’autres possibles face à l’impasse.

“En prenant soin de notre respiration, en calmant notre système nerveux, nous posons la fondation de notre éthique sociale: la non-violence. Même si nous ne connaissons pas le chemin vers une société juste et pacifiée, nous avons tou.te.s les moyens de commencer à assumer la responsabilité de nos propres actions et pulsions. En m’engageant dans une pratique de calme, en réveillant l’intelligence du corps, en écoutant et en communiquant avec un soin infini, je peux commencer à incarner ces enseignements. Respiration après respiration, nous apprenons à nous fier à autre chose qu’à nos identités fermées et à nos faux schémas de réactivité. Nous revenons à ce qui est important. » Michael Stone

Quand nous sommes en feu, aveugles et sourd.e.s, nous ne sommes utiles à personne. La méditation restaure nos sens, notre écoute, et notre empathie : nous y apprenons à habiter radicalement et pacifiquement notre monde. Chaque respiration nous ramène à ce qui nous rassemble, quand nous avons tant l’habitude de nous définir par ce qui nous sépare.

La plupart d’entre nous avons le privilège d’une vie épargnée par la violence qui en déchire d’autres. Ce privilège est une responsabilité.

La paix commence ici, maintenant.

Pour aller plus loin :

Being Peace, Thich That Hanh

Awake in the World, Michael Stone

Juliette de Cointet