Juste une porte battante
« Quand nous méditons, notre esprit suit notre respiration. Quand nous inspirons, l'air pénètre dans notre monde intérieur. Quand nous expirons, l’air ressort vers le monde extérieur. Le monde intérieur est sans limites, et le monde extérieur est aussi sans limites. Nous disons "monde intérieur" et "monde extérieur", mais en réalité, il n'y a qu'un seul monde. Et dans ce monde sans limites, notre gorge est comme une porte battante. L'air y rentre et en ressort comme quelqu'un qui passerait à travers une porte battante. Si vous pensez, "Je respire", le "je" est en trop. Il n'y a plus de "vous" pour dire « je". Ce que nous appelons "je" est juste une porte battante qui bouge quand nous inspirons et quand nous expirons. Juste un mouvement; c'est tout. Quand notre esprit est suffisamment clair et calme pour suivre ce mouvement, il n’y a rien d’autre: pas de "je", pas de monde, pas d’esprit, pas de corps. Juste une porte battante. » Shunryu Suzuki
En nous invitant à devenir cette porte battante, Shunryu Suzuki fait bien plus que nous proposer une technique de méditation: il nous invite à nous fondre dans le monde, à ne pas nous isoler. Cette sensation nous aide à diluer notre égo, à nous laisser ouvrir et traverser par plus grand que nous - par "autre" que "nous", jusqu'à être, tout simplement, une partie du monde.
En plus d'un art de l'attention, c’est une pratique d’humilité. C'est "se" mettre de côté pour devenir un corps qui respire, sans nom, sans prénom, sans commentaire. C'est s'entraîner à incarner l'interdépendance intime de tous les êtres. C'est brouiller les frontières entre un "moi" et des "autres", entre "intérieur" et "extérieur".
Quel est ce "je" dont on se déleste, le temps de la pratique ?
Cultiver cette sensation viscérale d'exister à partir d'autre part que nos préjugés et nos opinions est une pratique radicale. On déconstruit notre identité pour ouvrir le champ des possibles, et appartenir un peu plus au monde comme un espace grand ouvert.
Dōgen (1200-1253) parlait d'"être un avec tout ce qui est pour aller au-delà du corps et de l’esprit".
Pouvons-nous nous entraîner à relâcher notre étreinte sur ce précieux "moi" auquel nous tenons tant ?
Si cet espace qui s'ouvrait et s'adoucissait en nous aujourd'hui, à qui ou à quoi pourrait-il être bénéfique ?
Pour aller plus loin :
Esprit Zen, esprit neuf, Shunryu Suzuki
Mini interview YouTube de Suzuki