Jeff Bezos, égo et sucre blanc
Jeff Bezos, ego & sucre blanc: pourquoi nos morning routines ne suffisent pas .
Vous savez ce que Jeff Bezos fait tous les matins, avant sa journée de travail ? Jeff médite. Après avoir bien médité, Jeff reprend ses fonctions de CEO d'Amazon, une entreprise célèbre pour:
sa fraude fiscale massive en Europe
ses conditions de travail effarantes dans ses entrepôts ET ses bureaux (mais avec des salles de méditation quand même #mercipatron)
ses taux d'émissions de gaz à effet de serre en croissance exponentielle chaque année (env 18%), malgré ses nobles efforts de greenwashing
Sa fortune disproportionnée en fait un cas d'école de l'écart indécent de répartition des richesses sur Terre… Pas exactement l'incarnation de la non-violence et de l’ altruisme, donc.
Pourquoi ce paradoxe ? Jeff a bien intériorisé la logique systémique qui lui a réussi: la méditation est un « skill », sa méthode une ressource à utiliser pour son propre intérêt, sa pratique une commodité de bien-être et de productivité. On prend ce qui nous sert et on jette le reste. Un moyen, parmi tant d’autres, pour une fin. Je vois cela partout, et il est urgent d’y remédier.
A la base de la pratique, un détail pas bankable et donc vite oublié: l’éthique. La priorité n'a jamais été, jusqu'au 20ème siècle, de méditer pour « devenir la meilleure version de soi-même », ou pour son bien-être - même si c'est un bienfait précieux.
L'intention, dans une majorité de traditions, est de se détacher de son illusion de séparation, de son identité égotique, d'habiter pleinement l'instant pour mieux servir la communauté.
On médite pour apprendre à observer sans jugement, à écouter, pour comprendre comment être et agir de manière bénéfique pour soi et les autres. Avec les défis qui nous attendent, on a aussi et surtout besoin de ça.
Une méditation sans éthique, sans lien avec la vie, c'est un peu comme le sucre blanc : un petit shoot de kiff de court terme, incomplet, et mauvais pour nous. Une pratique instrumentalisée d'évitement de la réalité et de renforcement des certitudes, des techniques et des bouts de connaissances assemblés hors sol, remaniés à l'échelle de notre zone de confort... de manière à ne jamais remettre notre puissance subjective et individuelle en question.
Ca ressemble à du matérialisme spirituel: non seulement c'est de l’appropriation, mais c'est souvent la recette miracle de la déception, du repli sur soi ou du cynisme sur le long terme. C'est la forme sans le fond, c’est creux et superficiel.
Pratiquer une posture avancée de yoga ne fait pas de nous un.e yogi accompli.e. Nos prouesses de concentration ne nous rendent pas automatiquement plus sages ou plus bienveillant.e.s. On peut tout à fait faire la 6ème série d'ashtanga et avoir des relations toxiques, et en cherchant bien on trouvera sans doute des méditant.e.s qui maltraitent des chatons (mais est ce bien souhaitable).
Dans notre culture matérialiste et extrationniste, on s'attache à la FORME comme un but en soi, et on oublie la richesse vitale qu'est la RELATION. Sans éthique, notre méditation peut tout à fait rester déracinée. Elle peut n’être bénéfique à PERSONNE, nous y compris.
Méditer, c'est s'installer dans son corps, et qu'on le veuille ou non, ce qu'on y pratique est forcément politique: ma relation à mon corps est le point de départ de ma relation au corps de l'autre.
Alors c'est notre rôle de profs et d'élèves de redonner son sens à cette pratique marchandisée.
Promis, c'est tellement fort et doux de sortir de sa carapace et d’apprendre de soi et des autres.
Pour ne pas devenir un Jeff parmi les Jeff ...
renseignez vous sur l'histoire de la pratique : c'est passionnant !
faites l'effort de vous initier à sa philosophie
faites vous accompagner par un.e prof qui pourra vous guider et répondre à vos questions (c’est très important de garder l'esprit du débutant - c'est une pratique riche et profonde :vos profs ont tou.te.s des profs !)
donnez vous des occasions de pratiquer en communauté
et bien sûr … #boycottamazon