Be like water
Soyez comme l’eau se frayant un chemin à travers chaque brèche, chaque interstice.
Sans autorité, sans forcer, ajustez vous à l’objet, et vous trouverez le juste chemin pour le contourner ou le traverser. Si rien en vous ne demeure rigide, ce qui doit couler coulera, naturellement.
Par le vide de votre esprit, devenez sans forme, comme de l’eau.
Si vous mettez de l’eau dans une tasse, elle devient la tasse. Mettez de l’eau dans une bouteille et elle devient la bouteille. Mettez la dans une théière, et elle devient la théière.
L’eau peut couler comme elle peut s’écraser.
Be like water, my friend.
Bruce Lee
Bruce Lee parle ici en expert des arts martiaux dont la pensée, très personnelle, était influencée par le taoïsme, et une de ses idées centrales:
le wu-wei = “l’action sans effort”, ou “non-action”
Il ne s’agit pas d’une absence d’action mais plutôt d’une action parfaitement naturelle, qui advient d’elle-même. A l’idée de “faire” ou de “produire” pour obtenir un résultat, il s’agit de ce qui peut découler de notre juste présence.
On a pris l’habitude de parler de flow pour décrire cette présence parfaitement adaptée et adaptable à chaque situation de notre vie : cette capacité à être centré.e ET en mouvement, et à habiter l’impermanence tout en continuant à rencontrer notre vie de la manière la plus bénéfique possible.
Aujourd’hui, on trouve beaucoup cette idée dans les manuels de productivité : un outil d’agilité devenu dominant dans notre culture du travail, un moyen au service d’une fin.
Mais ce flow a une autre vertu, bien plus belle :
c’est surtout la condition première de notre compassion, de notre engagement et de notre empathie.
Etre capables de passer d’un engagement émotionnel profond avec notre monde à une appréciation radicale des beautés de la vie, de nous rendre pleinement présent.e.s au dernier rapport du Giec ou à Gaza autant qu’à une fleur croisée en chemin, c’est ce qui nous permet d’éviter le burn-out ou le repli devant un monde en souffrance. C’est ce qui permet de continuer à servir.
Wu-wei parle de la juste gestion de notre énergie: ni trop, ni trop peu, comme de la condition de notre engagement. De notre capacité au repos et à passer rapidement d’un état à un autre quand c’est bénéfique, pour être capables de garder les yeux et les coeurs ouverts.
L’urgence du moment présent est réelle: en arts martiaux, chaque action est singulière et décisive. Comme, dans nos vies, chaque moment est radicalement unique et changeant.
Alors au lieu de servir le “business as usual”, quand le monde a tant besoin de notre présence, de notre créativité et de notre attention, retrouvons la noblesse d’une pratique du flow qui serait au service de la vie.
Pour rester engagé.e.s, il faut nous rendre consolables.
Pour servir la vie, il faut honorer la fraîcheur et la fugacité de chaque moment.
Be like water, my friend.
Au quotidien :
trouvez des moments réguliers pour prioriser l'appréciation active des petites choses que vous avez tendance à prendre pour acquises (sans culpabilité !)
entraînez vous à donner votre pleine attention à chaque instant : au fur et à mesure que la journée avance et que l’objet de votre attention change, pouvez-vous faire cette transition le plus rapidement et simplement possible sans rester coincé.e.s dans le passé et absorbé.es par l’avenir ?
En mouvement conscient + méditation :
appliquez vous à chercher cette fluidité et cette aisance pendant le mouvement : à aller avec le corps et avec le souffle pour aller dans le sens de la vie
en méditation, suivez la respiration comme une rivière qui coule d’elle-même : laissez la devenir votre cadence, votre pulsation, et relâchez les distractions rapidement